Stéphane Bailly : La mobilité au service des mobilités

Le 10 avr. 2019 - Le Mensuel Grand Est
Stéphane Bailly : La mobilité au service des mobilités

Président du groupe CAR Avenue

Par Jean-Pierre Jager

Après plusieurs expériences dans l’auto­mobile en France et au Royaume Uni, Stéphane Bailly débute sa carrière au sein du groupe familial Bailly en 1998. Une entreprise qui s’est construite sur la distribution automobile en Lorraine depuis 1920, sur la fidélité à certaines valeurs mais aussi une forme d’identification à un constructeur : Peugeot devenu groupe PSA.

C’est cet univers que Stéphane Bailly a appris à connaître dès son plus jeune âge en accompa­gnant son père Jean-Paul Bailly dans les ateliers des concessions. Un avenir qui l’attire et dont il des­sine déjà les contours ou certains repères dans sa tête d’adolescent. C’est au cours de ses études qu’il songe au concept et au nom CAR Avenue.

Lorsqu’en 2006 et à 33 ans, il reprend la prési­dence du groupe, Stéphane Bailly impulse une stratégie de développement territorial mais aussi multi-marques. Celle-ci permettra de passer, en un peu plus de douze ans, de 12 à 72 concessions distribuant 19 marques automobiles dans la région Grand Est, au Luxembourg et en Belgique. Une nouvelle dimension que traduit et accompagne en 2014 le changement de nom du groupe qui de­vient CAR Avenue..

Aujourd’hui CAR Avenue est devenu leader dans son secteur de la distribution et du service automo­bile sur le Grand Est et l’espace Grande Région. Il emploie 1 850 collaborateurs pour un chiffre d’af­faires de 1,2 milliard d’euros.

 

Le grand entretien

« Il y aura ceux qui se seront bien préparés... et les autres ! »

« L’automobile va connaître plus de changements dans les dix ans qui viennent que dans les cent ans passés. Tout le monde est et sera challengé, pas seu­lement l’industrie ! Il y aura ceux qui sont bien pré­parés et les autres », dit Stéphane Bailly.

Revenu d’un salon de Genève devenu « un vrai salon du véhicule électrique », le patron de CAR Avenue s’apprête ce soir-là à présider au lan­cement de deux voitures emblématiques pour leurs constructeurs puisqu’il s’agit de la nouvelle BMW série 3 et la huitième déclinaison de la Por­sche 911. Il coupe aussi le ruban symbolique de la refonte du hall d’exposition et d’accueil de la concession BMW de Metz . Quelques semaines auparavant il avait signé le rapprochement avec le groupe alsacien Andréani et ouvert un nou­vel espace CAR Avenue Legend au sein de CAR Avenue Occasions à Lesménils (Meurthe-et-Mo­selle), siège du groupe situé entre Nancy et Metz au bord de l’A31 : ça roule, manifestement !

Agé de 46 ans, la silhouette juvénile et la voix douce, Stéphane Bailly observe plus qu’il ne parle. Il ajuste les remarques souvent chirurgi­cales pour que passe le message et demeure la cohésion. Porteur de l’identité d’un groupe qui frôle les cent ans d’histoire, il a conscience des caractéristiques comme des impératifs du temps.

A ceux qui lui demandent si le développement spectaculaire de son groupe, entré dans le top 5 français et le top 20 européen, n’est pas paradoxal dans un monde automobile où tout change et dans un univers économique global où les tensions succèdent aux reprises sans par­ler des crises comme celle de 2008-09... le pré­sident de CAR Avenue répond qu’il avait arrêté ses choix, ses raisonnements avant la crise et que celle-ci, comme les dernières évolutions, ne font que le conforter dans ses orientations. « La mobilité au service des mobilités. C’est elle dans son ensemble qui comptera et ce sont les éco­nomies d’échelle qui compenseront la diminution des marges. Ce sont aussi les racines des entre­prises, son savoir-être en même temps que son savoir-faire qui permettront de conserver et même de développer le lien devenu de plus en plus subtil avec la clientèle mais aussi tout l’environnement économique ».

 

Le Mensuel : Puisque Le Mensuel est Grand Est, comment ne pas évoquer le rapprochement, signé ces dernières semaines, entre votre groupe et celui de Christian Andréani, en Al­sace ?

S.B. : C’est une affaire d’hommes de métier et d’opportunité. Je rappelle que nous étions déjà présents en Alsace depuis le rachat d’Oblinger dans la région de Haguenau. Une entreprise fa­miliale qui, comme Bailly à l’époque, incarnait avant tout une marque sur un secteur. Dans ce cas il s’agissait de Citroën et nous avons d’ail­leurs repris, dans notre développement, le pa­tronyme de Claude Oblinger pour l’ensemble des affaires Citroën au sein de notre groupe. Comme il distribuait aussi Volkswagen dans son secteur, cela a permis à cette marque de figurer aussi dans notre offre.

Pour ce qui est du groupe Andréani, nous par­tagions, Christian Andréani et moi, une vision identique sur de nombreux sujets, notamment les défis à relever en termes de relation client, de digital, de mobilité et du développement de l’activité occasion. Il y avait convergence aus­si sur les valeurs, les hommes et les territoires. Christian Andréani s’attachera dans un premier temps à la parfaite intégration des affaires de son groupe dans le périmètre alsacien de CAR Avenue dirigé par Jean-Louis Bouchez, un des acteurs du rapprochement. Il rejoindra ensuite le conseil de surveillance et le comité de direc­tion de CAR Avenue pour la coordination de la gestion client, le digital et le développement de l’occasion.

J’ajoute le fait que ce groupe est un distribu­teur d’Opel, nouvelle marque du groupe PSA. Cela donne encore un sens supplémentaire à ce rapprochement puisque notre relation avec PSA et ses quatre marques (Peugeot, Citroën, DS et Opel) reste un élément déterminant de notre identité et de notre action.

La plus grande concession BMW Motorrad de France

L’ensemble de vos installations à Lesménils, juste au bord de l’autoroute A31 entre Nancy et Metz, dans un secteur où vous avez été les premiers à défricher, semble constituer, outre votre siège, une incarnation du concept CAR Avenue par la dimension et la variété de ce qu’on y trouve !

Une illustration en tout cas de ce que CAR Ave­nue peut offrir. Dès 2014 nous avions saisi l’op­portunité d’installer à cet endroit vitrine le Centre Porsche Lorraine puis nous avons implanté, quelques centaines de mètres plus loin et lé­gèrement en retrait de l’autoroute, notre pôle CAR Avenue Services. Celui-ci regroupe sur 12 000 m2 les pièces de l’après-vente PSA et BMW avec 40 000 références livrées deux fois par jour dans toute la Lorraine, une plate-forme de services et de relations clients, la centrale d’achats CAR Avenue et le dépannage avec CAR Avenue Assistance.

La configuration et la visibilité des lieux nous a permis de réaliser, en face avant deux espaces spécialisés : BMW Motorrad ouvert en août 2018 et qui constitue la plus grande concession BMW Motorrad de France avec 2430 m2 et 400 mo­tos vendues par an. Juste à côté nous avons construit sur 11 000 m2 un site CAR Avenue Oc­casions avec comme caractéristique d’y trouver aussi une vitrine CAR Avenue Legend destinée à des véhicules qui font rêver ou ont une histoire. Plus de 3 500 véhicules d’occasion sont aussi en ligne sur www.caravenue.com.

Avant de poursuivre sur le projet et l’actualité très riche en ce moment, dites-nous se qui a « fait » Bailly et son image depuis 1920.

L’aventure automobile de la famille a débuté avec mon grand-père, André Bailly, et un garage dans le Jura en 1920. En 1936, c’est la première concession Peugeot à Metz. Sous l’impulsion partagée avec mon grand-oncle puis reprise conjointement par mon père Jean-Paul Bailly rejoint neuf ans plus tard par mon oncle Patrick Bailly, le groupe Bailly, réunit en 2006 douze concessions Peugeot en Moselle et en Meur­the-et-Moselle. Au-delà des chiffres, Bailly c’est aussi un certain nombre de valeurs que nous cultivons : le goût du travail bien fait, la culture du terrain, la proximité avec les clients et les sala­riés, la force des partenariats avec les construc­teurs. Cela fait partie de la fierté que j’éprouve à conduire ce groupe familial dans son évolution.

Les politiques ont été vexés par le dieselgate et réagissent de manière excessive

Justement, qu’est-ce qui a changé quand vous-avez pris la présidence en 2006 et pour­quoi ce décollage impressionnant ?

Lorsque je reprend l’entreprise en 2006, j’engage une politique de rationalisation de l’immobilier, de la comptabilité et plus globalement de l’en­semble des fonctions transverses. Mon rapport de fond et affectif à l’automobile était naturel et m’avait déjà façonné en quelque sorte. C’est ain­si que l’idée du nom CAR Avenue m’était arrivée au cours de mes études. Il me semblait com­préhensible dans toutes les langues et adapté aux nouvelles identités et usages liés au digi­tal. Nous le mettrons en oeuvre à partir de 2014 quand il s’agira de donner une nouvelle identité au groupe.

Entre-temps en effet, nous avions pris un tour­nant stratégique : notre secteur faisant face à un phénomène de concentration du marché, nous avons été conduits à nous adapter pour rester un acteur fort dans ce milieu en pleine mutation. Nous sommes passés du statut de distributeur mono-marque (Peugeot) en Lorraine à celui d’un distributeur multi-marques (19) aujourd’hui pré­sent dans trois pays, la France, le Luxembourg et la Belgique. CAR Avenue colle bien à cette réa­lité là mais l’esprit et l’âme Bailly sont restés, no­tamment sur les questions d’apprentissage et de formation professionnelle qui sont une marque de fabrique de l’entreprise depuis longtemps. L’histoire du groupe est celle des hommes et des femmes qui le composent. Notre épanouis­sement passe par le leur et nous avons déve­loppé une CAR Avenue Academy pour renforcer cette pratique.

Si l’on passe à l’échelle du métier lui-même et de l’automobile en général, c’est loin d’être un long fleuve tranquille. Cela ne doit pas être simple à gérer ni même à accompagner !

Il n’y a pas de doutes, le secteur automobile est en pleine mutation. Vendre des voitures ne sau­rait être, demain encore plus qu’hier notre seul et unique métier. Nous devons être des facilita­teurs de mobilité en tenant compte de l’évolu­tion du comportement du client passé d’une lo­gique de produit à une logique d’usage et donc de services. L’identité CAR Avenue de même que notre maillage territorial prennent tout leur sens et doivent nous permettre de décliner notre marque sans limite pour les services et oppor­tunités liées à notre métier : CAR Avenue Green pour le recyclage, CAR Avenue Mobility, CAR Avenue Rent... Nous voulons être une référence en termes de mobilité.

Que pensez-vous, pour être plus concret en­core, de la manière dont a été traitée par les autorités publiques la question du diesel ?

Nous sommes entraînés, au niveau de toute une industrie, dans une marche forcée pas toujours logique. On en vient parfois à nier l’évidence comme celle qui oblige à reconnaître que les motorisations diesel les plus récentes et perfor­mantes répondent au cahier des charges et on laisse le CO2 remonter ! On est en plein paradoxe. La guerre du diesel n’est pas finie même si le bas­culement est en cours, souvent justifié d’ailleurs dans le cas des petites voitures et des faibles kilométrages. Il me semble que les politiques ont été vexés par le dieselgate et réagissent de manière excessive sans concertation vé­ritable. Or c’est du lourd et du long terme. Il y aura de la casse.

Et l’électricité ?

Je reviens du salon automobile de Genève qui semblait transformé cette année en salon de la voiture électrique. Tout le monde y va de sa contribution et de sa déclinai­son. Du coup on ne parle presque plus de la voiture au­tonome qui remplissait les colonnes et les écrans il y a quelques mois. Chez les constructeurs, l’obligation d’ar­river en 2020 à une moyenne de 95 g de CO2 aux 100 km pour la gamme, incite à sortir, en plus des déclinaisons hybrides, quelques modèles de niche qui feront du bien aux statistiques.

Comment assurez-vous votre veille technologique afin d’être informé des tendances mais aussi des opportu­nités.

A la direction de CAR Avenue, nous avons une cellule de veille qui a pour but que rien de ce qui est automo­bile ne nous échappe dans les différentes parutions ou actualités. Cette veille doit forcément être mondiale car aujourd’hui tout est lié. Nous échangeons aussi avec les autres groupes de distribution car nous sommes dans le même bateau. Les racines souvent familiales de ces groupes facilitent cet échange.

Si l’on revient à l’évolution récente de CAR Avenue, comment avez-vous géré le fait de passer de mono à multi marques ?

Je l’ai dit, l’évolution du secteur nous poussait à croître pour rester un acteur fort dans cet environnement en mutation. Cela étant, l’un des axes de développement du groupe a été de jouer sur la complémentarité des marques que nous représentons, à la fois en termes de produits et d’implantation géographique. Nous ne pre­nons pas tout ! Distributeur historique de PSA en Lor­raine nous nous sommes développés avec d’autres marques en Alsace puis au Luxembourg et en Belgique. Pour autant, notre partenariat avec PSA reste une priori­té. Je rappelle que c’est le premier employeur privé du Grand Est. Notre développement Peugeot Citroën DS au Luxembourg en est une illustration de même que la réa­lisation d’une première concession commune à ces trois marques sur un terrain ayant appartenu au site de l’usine PSA de Metz-Borny.

L’Allemagne demain ?

Le groupe Car Avenue incarne-t-il le Grand Est ouvert ou a-t-il d’autres ambitions ?

C’est essentiellement notre position frontalière, l’exis­tence de flux entre la France et la Belgique, la position devenue centrale du Luxembourg qui nous a conduits à prendre position dans ces pays tout en conservant l’at­tachement à la proximité de nos clients et salariés. Je l’ai dit aussi, nous exerçons un métier de revente à marge ré­duite et dans ce développement européen nous exploi­tons toutes les synergies possibles en termes de visibilité et de réduction de nos frais de structure. Cette stratégie, couplée avec des partenariats constructeurs forts nous permet de peser. Dans cette optique je reste particuliè­rement attentif aux opportunités qui pourraient faire sens dans les länders voisins que sont la Sarre et Rhénanie Pa­latinat.

« Je reviens du salon automobile de Genève qui semblait transformé cette année en salon de la voiture électrique. »

Un dernier mot sur la place prise par le numérique dans votre métier ?

L’impact du numérique, outre les fonctions organisation­nelles a été très fort sur l’aspect commercial. Le vendeur a parfois en face de lui un client hyper documenté qui ne vient plus simplement pour une information mais un échange et éventuellement une décision. Je crois que le terme qui qualifie le mieux notre époque dans ce do­maine est celui de ce que l’on pourrait appeler une aire du phygital. Autrement dit la combinaison de notre vitrine digitale et de nos points de vente physique. Dans le hall d’accueil revu de BMW CAR Avenue Metz, nous ne fai­sons pas semblant d’ignorer le numérique qui est le quo­tidien des clients. Nous l’avons installé, avec notre force de vente, à côté des voitures.